Un abécédaire inattendu !

Né en 1947 à Paris, Patrice Leconte est cinéaste, mais aussi scénariste, metteur en scène, écrivain et dessinateur (dans le magazine Pilote). Il a réalisé une trentaine de films, depuis Les Bronzés, en 1978, Viens chez moi, j’habite chez une copine, en 1981, Monsieur Hire, en 1989, Ridicule, en 1996, jusqu’à Maigret, en 2022. Quatre de ses films ont été césarisés. Il a aussi réalisé un film d’animation en 2012 (Le Magasin des Suicides) d’après un livre de Jean Teulé.

Il n’est pas souvent question de cinéma dans les albums de Tintin. Au début de Coke en stock, le jeune reporter et le capitaine bourlingueur sortent d’une salle qui donnait un western. Dans Les Cigares du Pharaon, Tintin, en plein désert rocailleux, vient au secours d’une blonde battue par deux crapules, la blonde est furieuse, et pour cause: elle est l’actrice d’un film produit par Rastapopoulos, dont Tintin a interrompu le tournage. Dans Tintin en Amérique, Tintin participe à un dîner de gala donné en son honneur, il est assis à côté de ce même Rastapopoulos (que nous ne connaissons pas encore) et d’une actrice du muet qui pourrait bien être Mary Pickford. Voilà, c’est à peu près tout, avec, il est vrai, le cinéma dans lequel Tintin se réfugie dans Le Lotus bleu (on y projette le film produit par Rastapopoulos), et le fait que, dans Les 7 Boules de cristal, Clairmont est cinéaste. Et, pour un homme dont on dit qu’il s’intéressait au cinéma, ça ne va pas loin.

Hergé aura été servi par un grand nombre de dessins animés, mais je n’en suis pas fou, car ils ne sont rien d’autre que la copie « mouvante » et sonore des albums. Il y a eu des films en prise de vue réelle, Les Oranges bleues et Le Lac aux requins, dont je ne me souviens que très vaguement. Haddock fut Jean Bouise puis Georges Wilson (ou l’inverse), quant à Tintin, c’était un dénommé Jean-Pierre Talbot, qui n’a pas fait carrière depuis, mais qui était crédible. Pour les autres personnages, je ne me souviens plus.

L’expérience Spielberg est autrement plus enthousiasmante, car il a su inventer des péripéties spectaculaires, liées à une technique de motion capture très saisissante, et on sent bien à quel point il est un grand lecteur admirateur d’Hergé.

J’ai un rêve personnel: tourner Les Bijoux de la Castafiore en prises de vues réelles, et en confiant tous les rôles, même les plus secondaires, à des comédiens connus, pour constituer, autour de Tintin, le casting le plus scintillant qui soit.

Quand j’écris ces lignes (nous sommes en juin 2022), rien n’est encore fait, les droits sont compliqués à négocier avec la Paramount, mais je ne baisse pas les bras. Mieux: je m’endors chaque soir en imaginant, des décors et des costumes qui seraient la copie conforme des dessins d’Hergé, des acteurs plus vrais que nature, le silence qui se fait, et un machiniste qui, dans la lumière, clap en main, annoncerait « Les Bijoux – 125 – 3e ». Alors je ferme les yeux, certain que ça arrivera un jour.