Sur les traces du yéti !

Cinquante ans après la parution de Tintin au Tibet, le yéti et la situation politique au Tibet restent d'actualité. Aujourd'hui, le Tibet fait encore le sujet d'âpres polémiques et les chercheurs d' " abominable homme des neiges " ne désarment pas !
De l'abominable homme des neiges au yéti
Une chose est certaine : l'interprétation par Hergé du phénomène " yéti " a transformé le mythe de " l'abominable homme des neiges ". Avant Tintin au Tibet (1960), cet être à part se voyait affublé de tous les défauts : brute cruelle, sauvage sanguinaire... Hergé en a fait le symbole de l'individu différent, solitaire, mal compris, ce qui entraîne des problèmes de communication avec les autres. La manière dont l'animal prend en charge un Tchang, blessé après un crash aérien, est plus qu'humaine. Le message est clair : évitons les jugements à l'emporte-pièce, les idées reçues et les peurs, nées de vieilles légendes fermement ancrées dans la mémoire humaine. Ce conseil s'ajoute à une réflexion sur l'amitié - celle de Tintin pour Tchang, qui vainc les années et les distances ; celle de Haddock, prêt à donner sa vie pour sauver Tintin.
Yéti, Ranko, ours : même combat ?
Les spécialistes de l'œuvre d'Hergé ne manqueront pas de faire un rapprochement entre le yéti de Tintin au Tibet et Ranko, le terrible gorille de L'Ile Noire. Différence : le yéti est un solitaire, farouchement attaché à sa liberté. Ranko a été dressé pour faire le mal : la gentillesse de Tintin le ramène à sa vraie nature, celle d'un être capable de sentiments. L'Eglise catholique a créé un semblable proscrit : l'ours. Autrefois, notamment chez les Celtes (ancêtres des Européens actuels), l'ours était considéré comme le roi des animaux. On comprend cette opinion : debout sur ses pattes arrière, l'ours ressemble à un être humain ! Les Celtes le considéraient, du reste, comme le lien entre le monde animal et la nature humaine. Cette filiation effraya tellement l'Eglise de Rome qu'elle fit de l'ours une créature du diable et éleva le lion au rang de roi des animaux !
Le retour du yéti
Se croyant le centre du monde, l'homme a porté des jugements définitifs sur les animaux et le monde qui l'entoure. Grâce, entre autres, à l'Anglais Charles Darwin (1809 - 1882), on sait qu'hommes et animaux sont engagés dans un processus d'évolution : certaines espèces apparaissent, d'autres disparaissent - et le genre humain fait partie de ces dernières ! Nous savons aujourd'hui que la disparition brutale d'une espèce peut être évitée si chacun s'emploie à respecter un juste équilibre entre ses désirs et la réalité des choses. Einstein ne disait-il pas, à juste titre, que si les abeilles disparaissaient, la vie sur Terre s'éteindrait dans les 4 années suivantes ? A cet égard, Tintin au Tibet reste une œuvre clé dans l'œuvre d'Hergé et dans son message humaniste. Donc, pitié pour le yéti ! D'autant plus que l'on en parle à nouveau.
Les « chasseurs » de yéti
En 1994, au cours d'une expédition dans l'Himalaya, le Japonais Yoshiteru Takahashi aperçoit une créature qu'il pense être le yéti, c'est-à-dire, une sorte d'homme-singe poilu, mesurant à peu près 1,80 mètres et au tour de taille imposant. En août 2008, Yoshiteru Takahashi, âgé de 65 ans, a convaincu un quotidien de son pays et un fabricant de boisson de parrainer une nouvelle expédition dans les montagnes du Népal. Il dirige trois équipes chargées de ramener des images du yéti. A 4 550 mètres d'altitude, l'expédition trouve les traces d'un pied énorme que les explorateurs suivent pendant une cinquantaine de mètres. Mais rien ne permet d'affirmer qu'il s'agit d'une preuve de l'existence du yéti.
Des yétis partout !
Le yéti de l'Himalaya n'est pas seul : chaque continent à « son » yéti. En Amérique du Nord, on parle du Bigfoot, aussi connu sous le nom de Sasquatch. En Australie, on a aperçu Yowie, un animal géant... qui sentait très mauvais ! En Europe, dans les hauteurs du Caucase, des bergers signalent un Almasty, très semblable au yéti... C'est en 1936 que le géologue suisse, pendant une expédition dans l'Himalaya, se retrouve nez à nez avec un yéti - le nom que donnent les sherpas (guides de haute montagne) à la créature. L'alpiniste Eric Shipton, en 1951, ramène les premières photos de traces de pas, quelque part sur l'Everest. Le Français Maurice Herzog, vainqueur de l'Annapurna, apportera aussi un témoignage à Hergé. Après Tintin au Tibet, les témoignages se multiplient. Signalons Reinhold Messner (1986), Alexandre Poussin et Sylvain Tesson (1997).
Tibet : la clé de l'année 1959
Coïncidence ? L'album d'Hergé paraît en 1959, alors qu'en décembre de la même année, le chef spirituel des Tibétains quitte son pays pour s'installer en Inde. Il fuit la présence des troupes chinoises, installées dans ce que la Chine considère comme une province. Depuis, le dalaï-lama est devenu le symbole d'un Tibet indépendant et le porte-étendard des opposants à la présence chinoise. Il ne manque pas de signaler au monde les souffrances de son peuple, et son action a été couronnée par un Prix Nobel de la Paix. Il est certain que Tintin au Tibet a attiré l'attention de ses lecteurs sur ce petit pays, situé " sur le toit du monde ". Si la compréhension qu'il a générée à propos de nos rapports avec le monde animal du yéti et si l'hymne à l'amitié Tintin-Tchang-Haddock pouvait déteindre sur l'heureuse évolution de la situation politique au Tibet, nul doute qu'Hergé nous enverrait son plus radieux sourire...