La Chine, lointaine et proche

Ce 21 octobre 2009, l'exposition "Tchang, Hergé, Parcours d'Artistes" ouvre ses portes au Musée Hergé. Dans "Le Lotus bleu", Tintin se débarrassait d'images fausses et de clichés sur la Chine. Les choses sont-elles différentes aujourd'hui?
Connaissez-vous l'histoire de la Chine?
Rassurez-vous : nous n'allons pas remonter le cours des siècles ! Contentons-nous du 20ème siècle - ce siècle au cours duquel Hergé accomplit l'entièreté de son œuvre et ce même siècle qui voit la rencontre de l'auteur avec le peintre sculpteur chinois, Tchang Tchong-jen. Cette mise au point historique est importante pour comprendre la succession d'événements qui ont abouti à la rencontre entre Hergé et Tchang (voir nos précédents dossiers : "Tchang!" et "Le making of du Lotus bleu"). Avant de devenir la puissance économique actuelle, la Chine a traversé un 20ème siècle particulièrement mouvementé. Elle passe du statut d'empire à celui de république ; elle connaît l'occupation japonaise, avant de devenir, en 1949, une République du Peuple, fondée par Mao Tse dong.
La fin de la Chine impériale
Le 1er janvier 1912, c'en est fini de la Chine impériale. Le monde acte l'abdication de celui que le film de Bernardo Bertolucci a popularisé sous le titre dérisoire de "dernier empereur" (en réalité : Puyi, un enfant de 7 ans), qui avait succédé à Tseu-hi. Cette femme, monarque de fer, avait inspiré la sanglante révolte antioccidentale des Boxers (1900), dans la ville de Pékin, où Anglais, Allemands, Français, Russes, Japonais et Américains se disputaient pour dépecer "l'empire du Milieu". Mais l'arrivée de la République, dirigée par Sun Yat-sen (1866-1925), médecin de son état, n'est que le début de dramatiques tribulations, qui vont marquer tout le 20ème siècle chinois. Le régime en place est immédiatement contesté et un seigneur de la guerre, Yuan Shikai, s'empare du pouvoir. A Sun Yat-sen succède Chang-Kai-Shek (1925).à la tête du Kuomintang, parti révolutionnaire opposé aux communistes.
Shanghai, ville étrange... et dangereuse!
Quand il se promenait à Shanghai, le célèbre journaliste, Albert Londres (1884-1932), disait : "A chaque pas, on ne voit que des banques !". En 1932, Albert Londres visita Shanghai et la Mandchourie. Il fut confronté à la réalité de tous les jours : trafic d'armes et d'êtres humains, contrebandes en tout genre, drogue - l'opium, notamment, dont on découvre une fumerie dans Le Lotus bleu.Le journaliste recueillit des témoignages, fouina dans les casinos, qui se succédaient le long du Bund, la célèbre promenade de Shanghai que l'on admire encore de nos jours. Mal lui en prit : il semble que, sur le chemin de retour vers la France, le naufrage de son bateau, le Georges-Philippar, ne soit pas accidentel. La vengeance des "Tigres", ces grands patrons des mafias chinoises, a-t-elle poursuivi le journaliste trop curieux jusqu'à le faire disparaître dans l'Océan Indien? Nul ne peut donner une réponse valable. Mais quand on voit comment disparaissent, encore aujourd'hui, les journalistes en Russie...
Xujiahui, le plus européen des faubourgs de Shanghai
Hergé fut très impressionné par la fin tragique d'Albert Londres. Peut-être y puisa-t-il l'envie d'envoyer Tintin en Extrême-Orient ? Les tintinologues se disputent à ce sujet ! Toujours est-il que c'est en un faubourg de Shanghai que Tchang passa son enfance. Il s'agit du faubourg de Xujiahui. Dès le 16ème siècle, le père Matteo Ricci (1552-1610) y installa une première communauté chrétienne, qui comptera pas moins de 40.000 convertis. Mais c'est à partir de 1842 que les jésuites européens (et notamment belges) s'installent de manière permanente. Ils développent un réseau scolaire, un système d'aide sociale, une imprimerie, une maison d'édition, un observatoire et une université. Tout en s'ouvrant à l'Occident, Shanghai entretient son identité chinoise. Une véritable réussite multiculturelle ! C'est en cette ville que se tient le premier Congrès du Parti communiste, dirigé par le jeune Mao Tse dong (23 juillet 1921).
Shanghai, objet de toutes les convoitises
C'est aussi par Shanghai que les grandes compagnies d'Occident tenteront de s'imposer dans cet immense pays qu'est la Chine. Une concession française et une concession internationale (en réalité, des régions sous administrations étrangères) existent depuis 1842. La Grande-Bretagne, la Russie, l'Allemagne, la France, le Japon entendent bien exploiter à leur avantage les richesses de la Chine et le côté industrieux de sa population. Tous les moyens sont bons : les Britanniques imposent leur contrôle du trafic de l'opium! Ils imposent l'importation de cette drogue, produite en Indes, une autre colonie anglaise. Tout profit pour les "honnêtes" commerçants anglais... Exemple plus pacifique de cette présence internationale : ce sont des Belges qui installent le tramway dans la concession française.
Bonne visite dans le monde du beau et de l'amitié !
L'exposition Tchang, Hergé, Parcours d'Artistes évoque, bien sûr, ces sombres années d'avant guerre. Mais elle se focalise plutôt sur l'art de Tchang Tchong-jen et sur sa rencontre avec Hergé. Nous l'avons déjà rappelé : la vision artistique d'Hergé évolua de manière significative, grâce à Tchang. Après Le Lotus bleu, œuvre à quatre mains, Tintin ne sera plus jamais le même. La leçon à retenir de cette exposition? La beauté et l'amitié surmontent tout. Malgré les horreurs de l'Histoire, Hergé a retrouvé Tchang, en 1981 ; et ce dernier a produit de véritables chefs d'œuvres, comme si les mauvais coups de l'Histoire n'existaient pas. Hergé et Tchang ont expérimenté les bienfaits des rapprochements entre les peuples et les cultures. Connaissons-nous mieux la Chine en 2009 qu'en 1934? Europalia et l'exposition au Musée Hergé nous aident à évoluer dans le bon sens. Bienvenue dans le monde du beau et de l'amitié!