Hergé, ligne de temps

Novembre 1932 :

Hergé dépose une plainte au Tribunal de Bruxelles contre Léon Degrelle, le chef du parti Rex, qui ne cache pas son admiration pour l'Allemagne et sombrera dans la collaboration dès le mois de mai 1940. Degrelle avait voulu se servir de dessins d'Hergé pour les inclure dans des affiches à caractère politique. Novembre 1932 consacre donc la rupture définitive entre Hergé et Degrelle, qu'il avait croisé dans la rédaction du Vingtième Siècle.

5 mars 1933 :

Hitler reçoit les pleins pouvoirs à Berlin

3 août 1933 :

Hergé publie un gag de Quick et Flupke, intitulé De la musique avant toute chose, se moquant des éructations d'Hitler et de Mussolini à la radio.

4 août 1938 :

Les Aventures de Tintin en Syldavie (qui deviendront l'album Le Sceptre d'Ottokar) débutent dans le Petit Vingtième. Outre les allusions aux annexions effectuées par Hitler (Autriche, en mars 1938; Tchécoslovaquie, en décembre de la même année), ce nouveau récit désigne un certain Müsstler comme le comploteur numéro 1 syldave, à la tête de sa Garde d'Acier. On ne peut être plus allusif et clair : Müsstler est un nom composé à partir de Mussolini et Hitler  -  et ce personnage est le « mauvais » !

1er septembre 1939 :

L'Allemagne envahit la Pologne. Les alliés de cette dernière, France et Angleterre, lui déclarent la guerre. C'est le début de ce que l'on a appelé la « drôle de guerre » : les armées en présence s'observent mais, à part quelques escarmouches, ne livrent pas combat. Depuis mars 1936, la Belgique a adopté une politique de stricte neutralité.

25 septembre 1939 :

Début de la publication de Tintin au pays de l'or noir dans le Petit Vingtième.

Décembre 1939 :

En dépit des injonctions officielles aux journalistes, afin qu'ils ne prennent pas position pour l'un ou l'autre des belligérants, Hergé brave l'interdit et annonce clairement son opinion dans un hebdomadaire belge, L'Ouest. Pour cette occasion, il crée un personnage burlesque, Monsieur Bellum, qui est tout sauf un va-t-en-guerre (bellum, en latin) et un bel homme (bellum se prononce « bellomme ») ! Au Musée Hergé, les visiteurs peuvent admirer les originaux de gags, dans lesquels M. Bellum traite les Allemands de « sales boches » et inscrit sur un mur « Hitler est un fou ». Les originaux de ces gags sont exposés au Musée Hergé.

10 mai 1940 :

Les Allemands envahissent la Belgique, violant sa neutralité. Le Vingtième Siècle cesse de paraître. Ses lecteurs ne connaîtront pas la suite et la fin de Tintin au pays de l'or noir, l'épisode en cours. Il leur faudra attendre le 16 septembre 1948 pour découvrir la nouvelle version de cette aventure, dans le journal Tintin.

17 octobre 1940 :

Le quotidien Le Soir, contrôlé par l'occupant, publie le premier numéro du Soir-Jeunesse, dans lequel débutent les Nouvelles aventures de Tintin (Le Crabe aux pinces d'or).

21 octobre 1941 :

Début de la publication de L'Étoile mystérieuse en strips quotidiens dans Le Soir. Une caricature de goût douteux, dont deux commerçants juifs font les frais, apparaît au début de cet album.

27 mai 1942 :

Les Allemands publient, en Belgique, les ordonnances imposant aux Juifs le port de l'étoile jaune. Cette mesure vient s'ajouter à d'autres prescriptions discriminatoires, telles que les interdictions professionnelles, la ségrégation dans les parcs, les transports en commun, les écoles...

Décembre 1942 :

Parution de l'album L'Étoile mystérieuse, publié directement en couleurs, alors que les titres précédents l'avaient été en noir et blanc Les caricatures mettant en scène des Juifs ont disparu.

Février 1943 :

Publiée par le journal clandestin L'Insoumis, une brochure intitulée « Galerie des Traîtres  -  Dans l'antre du Soir-ersatz » désigne Hergé comme un homme à abattre.

3 septembre 1944 :

Le Soir « volé » (par les Allemands) cesse de paraître.

4 septembre 1944 :

libération de Bruxelles.

7 septembre 1944 :

Le domicile d'Hergé, avenue Delleur, à Bruxelles, est perquisitionné.

9 septembre 1944 :

Hergé est arrêté par des agents de la Sûreté de l'Etat et passe la nuit à la prison de Saint-Gilles (Bruxelles).

11 septembre 1944 :

La police interroge Hergé. Un dossier à sa charge est constitué ; il portera le numéro 3065/44.

Décembre 1945 :

Le tribunal prononce un non-lieu dans le dossier à charge de Remi, Georges, dit Hergé.

4 octobre 1946 :

Hergé obtient un « certificat de civisme », délivré par la police de Watermael-Boitsfort (Bruxelles).

Conclusions 

1. Hergé était-il antisémite, comme le prétendent certains ?

Si Hergé avait été réellement antisémite, on ne comprend pas pourquoi il aurait supprimé ces (mauvaises) plaisanteries, courantes dans la société belge de l'époque. Il suffit de relire les discours enflammés, prononcés avant-guerre par certains politiciens peu soupçonnables de sympathies pour le nazisme, pour ce rendre compte qu'il régnait en Belgique un sentiment xénophobe et antisémite. Cette constatation est corroborée par les recherches d'historiens du Centre d'Etudes et de Documentation Guerres et Sociétés contemporaines.

2. Hergé, collaborateur ?

Si Hergé avait voulu travailler pour l'occupant, comme cela est colporté par des gens peu sérieux ou malintentionnés, il se serait empressé de conserver les vignettes contestables et s'en serait vanté auprès d'un régime politico-militaire qui avait fait de l'antisémitisme un de ses piliers. Or, entre 1941 et 1942, Hergé a vu disparaître des amis et connaissances « israélites », comme on disait à l'époque. Convoqués pour de « simples contrôles », ces malheureux ne revenaient jamais. Il faudrait, du reste, accorder leurs vraies significations aux mots. « Collaborateur » désigne :

Un individu qui a travaillé pour ou avec l'ennemi : Hergé n'a jamais fait cela.

Un individu qui a rejoint les forces des envahisseurs : Hergé n'a jamais fait cela.

Un individu qui a porté les armes contre son pays : Hergé n'a jamais fait cela.

Un individu qui a dénoncé des compatriotes : Hergé n'a jamais fait cela.

Un individu qui a aidé l'occupant, par exemple, en le secondant dans des opérations de rafles ou en publiant de la propagande pro-ennemie : Hergé n'a jamais fait cela.

Un individu qui a participé à la démoralisation de la population, au bénéfice de l'ennemi : Hergé n'a jamais fait cela.

Voilà quelques vérités bonnes à savoir. Feront-elles éteindre les rumeurs et mensonges ?