12 avril : un jour dans l'espace (2)

Qu'évoque le 12 avril ? Pour certains, c'est la Saint Jules. Pour d'autres, un jour entre le 11 et 13 du même mois. Pour les fous d'espace, c'est le Youri Day. Le 12 avril 1961, Youri Gagarine effectuait une promenade dans l'espace. Une première dans l'histoire de l'humanité.

Un saut dans l'espace... mais quel saut !

Nous sommes dons le 12 avril 1961. La base de Baïkonour, en Union soviétique  -  depuis la disparition de l'Union soviétique, en 1991, Baïkonour se trouve aujourd'hui au Kazakhstan. C'est de cette « cité des étoiles » que partent les fusées lancées vers l'espace. Il est 9h07 (heure de Moscou, soit 7h07 à Paris). L'imposant véhicule spatial à trois étages, Vostok 1, tremble, rugit, se détache du sol, s'élance vers le ciel. Youri Gagarine effectuera un vol d'une heure et quarante huit minutes, à une moyenne de 250 kilomètres d'altitude. « Vostok » signifie « Est » en russe. C'est le point cardinal où se lève le soleil. Et en effet, une aube nouvelle se lève pour l'humanité. L'homme s'apprête à conquérir l'espace.

Un vol préparé ou improvisé ?

La capsule Vostok 1 est tout sauf confortable. Un des critères du choix de Youri Gagarine ? Sa petite taille (1m58) : chaque millimètre dans la capsule se révèle précieux ! Si l'inconfort de Vostok retient l'attention, il faut pourtant se focaliser sur le caractère dangereux de ce véhicule de l'espace. Des recherches ont été entreprises, des essais, effectués. Mais tout cela se situe dans la concurrence qui oppose, en 1962, les Etats-Unis (capitalistes) et l'Union soviétique (communisme). Les dirigeants de cette dernière ne manquent pas de préciser que chaque lancement réussi dans l'espace est une « victoire du communisme ».

Les Etats-Unis ont relevé le défi des « satellites artificiels » : au Spoutnik (qui signifie en russe « compagnon de route » ou « satellite »), lancé le 4 octobre 1957, les USA ont répondu par le lancer d'Explorer 1, le 31 janvier 1958.

La prochaine étape se devait d'être le lancement d'un homme dans l'espace. Cette « course aux étoiles » s'est donc déroulée dans un climat de concurrence entre deux superpuissances mondiales... au détriment, parfois, du souci de sécurité. Nombre de satellites, russes ou américains, furent détruits avant d'avoir atteint leur but.

Le saviez-vous ?

Gagarine n'était pas le premier être vivant dans l'espace. Il fut précédé par la petite chienne Laïka, lancée le 3 novembre 1957 à bord de Spoutnik 2. Contrairement à ce que l'on raconta à l'époque, l'animal ne mourut pas paisiblement : il fut victime de la chaleur et mourut entre 3 et 7 heures après avoir été mis en orbite.

Gagarine est décédé au cours d'un vol d'essai. A bord d'un avion traditionnel, le MiG-15 UTI, le premier cosmonaute de l'Histoire s'écrasa, le 27 mars 1968, non loin de Novossiolovo, à quelque 180 kilomètres à l'est de Moscou.

Les différents des hommes de l'espace. En Russie, on parle des cosmonautes. Aux Etats-Unis les astronautes. Quand l'Europe, via l'Agence Européenne de l'Espace (ESA), se lança dans la course aux étoiles, on a préféré le terme spationaute. Mais cette dernière appellation n'a jamais remporté beaucoup de succès, et même les Européens lui ont préféré astronautes.

Comment Gagarine a-t-il été choisi ?

Vous êtes tentés par une carrière d'astronaute ? Nous vous en parlons plus loin. En attendant, voici le périple de Youri Gagarine. N'oubliez pas : cela se passe au début des années 1960 ! Il était né le 9 mars 1934, à Klouchino, près de Smolensk. Fils d'un charpentier et d'une fermière, il a été à l'école comme tous les garçons de son âge. Après ses études secondaires, il s'est inscrit à l'école des machines agricoles, où il resta pendant deux ans (1949-1951).

L'état soviétique organisait pour les travailleurs et les étudiants des activités gratuites. Youri Gagarine s'inscrivit dans un club de pilotage. Il y trouve sa voie. Entré dans l'armée en 1955, il obtiendra un diplôme de pilote de chasse, en 1957. Gagarine est sélectionné, avec 200 autres pilotes, pour un « programme spatial ». Cela se passe en février 1960. La même année, le pilote devient membre du parti communiste. Après une première batterie de sélections, ils ne sont plus que dix-neuf. Le 30 mai 1960, six pilotes seulement ont passé avec succès toutes les épreuves. Quelles épreuves ? Outre un entraînement physique intense, beaucoup de sauts en parachute, entraînement sur un simulateur de vol Vostok, passage en centrifugeuse, apprentissage du fonctionnement des fusées et des vaisseaux spatiaux. Trois pilotes, futurs cosmonautes, sont sélectionnés, en janvier 1961 : Youri Gagarine, Guerman Titov, Grigori Nelioubov.

Quelles qualités ont-elles permis à Gagarine d'être choisi ?

Parmi les responsables du programme spatial soviétique, on ne tarit pas d'éloge sur les capacités de Gagarine. Fortiche en maths ; une mémoire d'éléphant ; courageux mais pas téméraire ; réfléchi ; bosseur ; sociable. Il n'est pas le seul à réunir ces éléments positifs. On peut même dire que le plus doué des trois candidats, c'est celui qui ne volera jamais dans l'espace : Grigori Nelioubov. Mais c'est un homme moins accommodant que Gagarine : on le considère comme un rebelle ! Guerman Titov dispose d'une culture plus riche que celle de Gagarine. Mais nous sommes en Union soviétique.

Et il faut que les origines modestes soient exaltées  -  il faut montrer aux gens que le moins favorisé peut arriver aux postes les plus importants. Avec des parents travaillant dans un ferme collective (une institution nommée « sovkhoze », créée par le régime communiste), Gagarine est le type même de l'homme soviétique idéal, qui ne doit sa réussite qu'à son travail et à ses qualités. Le 11 mars 1961, la décision est prise dans le plus grand secret : Youri Gagarine deviendra le premier homme dans l'espace.

Gagarine a-t-il failli mourir dans l'espace ?

Revenons au vol historique du 12 avril 1961. Après un vol en orbite d'une heure et quarante huit minutes, Vostok 1 s'apprête à rentrer dans l'atmosphère terrestre. Les choses se passent mal. Le module d'équipement ne se détache pas du module de commandement, le seul prévu pour un retour sur Terre. Gagarine devient la victime de secousses qui agitent les 5, 5 tonnes de Vostok 1. Le module fonce à une allure vertigineuse vers la Terre. Il échappe à tout conntrôle :il est comme un ballon jeté le plus haut possible et dont on ne sait pas très bien où il atterrira...

Si les Américains favorisent un retour des engins spatiaux dans la mer, les soviétiques n'envisagent qu'un atterrissage sur leur sol. En réalité, la capsule (ou ce qu'il en reste) s'écrase. A quelques kilomètres du sol, le cosmonaute doit s'éjecter et il termine son vol en parachute. Il est 8 heures 55 (heure de Paris) : le premier homme lancé dans l'espace est revenu sain et sauf ! Mais il est passé très près de la catastrophe. Ces imprévus et, parfois, ces négligences, qui coûteront la vie à plusieurs astronautes de toutes origines, s'expliquent par le fait que, tant pour les Soviétiques que pour les Américains, il fallait être le premier.

... Mais Tintin était le premier !

C'est le 30 mars 1950 qu'a débuté la publication de « On a marché sur la Lune » dans le journal Tintin. Cette première partie sera réintitulée Objectif Lune à l'occasion de la sortie en album (1953). En fait, Hergé caressait cette idée de voyage spatial depuis au moins 1947.

Comme les responsables russes et américains, il subit l'influence des premières fusées, lancées par l'armée allemande  -  les sinistres bombes volantes V1 et V2. Leur concepteur, Werner von Braun, avait fait parler de lui dans la presse. A l'issue de la guerre, Russes et Américains utilisèrent tous les moyens pour s'emparer des chercheurs allemands. On peut dire que, sans ces derniers, les fusées américaines et russes auraient mis beaucoup plus de temps à être mises au point. Plusieurs scénaristes proposeront des idées à Hergé pour l'aventure sur la Lune. Ils étaient tous influencés par ce qui existait : les romans de Jules Verne, De la Terre à la Lune (1865) et d'H.G. Wells, Les Premiers Hommes sur la Lune (1901) ; les films du Français Georges Méliès (Le Voyage dans la Lune, 1903) et de l'Allemand Fritz Lang (La Femme sur la Lune, 1928). Finalement, et à quelques semaines du début de la publication dans le journal, Hergé choisit la voie du réalisme scientifique. Il conçut une des œuvres les plus visionnaires sur la conquête spatiale  -  même si son modèle de fusée n'a jamais servi, ni pour les lancements de satellites (six ans plus tard !), ni pour envoyer des hommes sur la Lune (19 ans plus tard, en juillet 1969) !