C'était le 10 janvier 1929
Incroyable ! Tintin a-t-il vraiment 84 ans ? Il n'a jamais paru aussi jeune. Un personnage aux valeurs éternelles a donc traversé un monde en perpétuel changement. 1929, c'est à la fois proche et très différent de notre époque...
Reporter du Vingtième Siècle
Le 10 janvier 1929 tombait un jeudi. Ce jour-là, les écoliers disposaient d'un après-midi de liberté - cela coupait leur semaine en deux, car ils allaient encore à l'école le samedi. Le quotidien bruxellois (pour adultes), Le Vingtième Siècle, eut l'idée de meubler les jeudis des garçons et filles avec un supplément qui leur serait destiné.

Il fallait y ajouter une bande dessinée originale : tous les suppléments BD des quotidiens avaient emprunté l'idée à la presse américaine, qui publiait des « comics » dans ses éditions du dimanche. Au Vingtième Siècle, un certain Georges Remi, engagé autrefois au service des abonnements, s'était révélé un illustrateur hors pair. Par ailleurs, il animait une bande dessinée dans Le Boy-Scout Belge, le magazine de liaison des scouts catholiques.
Tintin voit le jour
Hergé imagine un jeune journaliste. La profession fait rêver, en ces années vingt. Il le flanque d'un compagnon : le chien Milou, ainsi nommé d'après le surnom affectueux donné à... la première petite amie de Hergé (Marie-Louise Van Cutsem) !
Le fox-terrier est un chien à la mode au début des années trente. Milou pourrait bien avoir été inspiré des aventures de Ric et Rac publiées dans journal du même nom qui naquit en 1927. Cette filation de papier est évoquée par Hergé dans l'entretien télévisé de l'émission 30 millions d'amis diffusée sur FR3 le 29 juillet 1978. Hergé confirmait aussi dans cet entretien que Milou est d'une race apparentée au fox-terrier à poil dur, un peu bâtard tout de même (à une autre occasion Hergé utilisera le mot bruxellois « zinneke »). De plus, il faut le préciser, le fox-terrier de pure race n'existe pas en version «tout blanc».
Le modèle physique de Tintin ? Là encore, beaucoup de suppositions. Vers la fin du dix-neuvième siècle, l'illustrateur français Benjamin Rabier composa un album d'images, intitulé Tintin Lutin. Hergé l'a-t-il lu ? Rien n'est moins sûr. Il semblerait qu'il se soit plutôt inspiré de son frère cadet, Paul Remi, militaire de carrière et cavalier émérite.

Tintin sur les traces de Palle Huld ?
En 1928, un jeune scout danois, Palle Huld gagne un voyage autour du monde à l'occasion d'un concours organisé par le journal danois le Politiken. Le prétexte de ce concours: le centenaire de Jules Verne, l'auteur de l'inoubliable Tour du Monde en 80 Jours. À seize ans, Palle Huld va refaire ce périple en 44 jours d'ouest en est ! Il lui est interdit de voler, il doit rester sur terre et sur mer. Un voyage d'Ouest en Est.
À son retour à Copenhague, l'adolescent est accueilli par une foule en délire, mobilisée par le grand quotidien national, Politiken. La photo révèle un garçon rouquin au visage rond, vêtu d'un costume rayé, coiffé d'une caquette de type irlandais et portant des pantalons de golf. Étrange, comme c'est étrange !
On songe évidemment aux retours de Tintin à la gare du Nord, de Bruxelles, après ses aventures au pays des Soviets et au Congo. Palle Huld a publié ses souvenirs de voyage dans un livre, paru en 1928. Il est devenu acteur de théâtre et de cinéma. Il est décédé à l'âge de 98 ans. Nous l'avons rencontré un an avant sa mort.
Le souffle de l'aventure
Au premier exploit de Palle Huld s'en est ajouté un autre : un tour des pays méditerranéens (18 000 kilomètres !) à moto, en compagnie d'un ami danois, Elith Fors. Une nouvelle odyssée, qui date de 1935, cette fois, soit six ans après la création de Tintin.
Sans doute, Hergé n'a-t-il pas été indifférent aux aventures vécues par le scout danois - il fut lui-même un scout enthousiaste. Cependant il n'a jamais mentionné Palle Huld comme source d'inspiration. À aucun moment, Hergé n'a rencontré Palle Huld. Le seul lien que nous avons pu établir à ce jour est que les exploits de Palle Huld étaient publiés au cours de son périple dans le journal Le Vingtième Siècle. Il n'est pas exclu que Hergé ait pu lire l'une ou l'autre dépêche et se nourrir d'une telle aventure autour du monde.
La vérité, c'est que les années 1920 font la part belle à l'esprit d'aventure. Tout semble possible, tous les défis peuvent être relevés. En ce sens, Tintin s'inscrit tout à fait dans son époque. Ce même souffle de l'aventure explique sans doute le succès de Tintin en 2009, une année qui a bien besoin d'aventuriers au grand cœur !
L'âge des grands reporters
Relisez la biographie de Hergé par Philippe Goddin, Lignes de Vie (Éditions Moulinsart). À l'évidence, le « père » de Tintin possédait la fibre journalistique. Insatiable curieux des affaires du monde, il nourrissait une sincère admiration pour les grands reporters - qui ne manquaient pas en 1929.

Il n'est pas exagéré de dire qu'une des sources d'inspiration pour Tintin se trouve dans les reportages d'Albert Londres, de Henri Béraud et de Joseph Kessel, journalistes aventuriers dont les lecteurs attendaient avec impatience les scoops qu'ils révélaient régulièrement. N'oublions pas non plus les vrais aventuriers devenus écrivains, tels Lawrence d'Arabie (Les Sept Piliers de la Sagesse) et Henri de Monfreid (Les Trafiquants de la Mer Rouge), dont Tintin croisera le sosie dans Les Cigares du Pharaon !
Ecrit dans les astres !
Il y a quelque temps, nous avions demandé à l'astrologue belge, Paul Cardinal, d'établir la carte du ciel de « quelqu'un », né le 10 janvier 1929, vers 6 heures du matin (c'était le moment de la mise en place des exemplaires du Vingtième Siècle) - sans préciser qu'il s'agissait de Tintin.
Extraits de la carte du ciel : « Ce devait être un homme appelé à une grande notoriété par les exploits qu'il allait réaliser. Un Capricorne parfait. S'il n'est pas devenu un homme politique important, il a pu devenir un ingénieur, un romancier, un militaire, un aventurier qui s'est distingué, car il s'est appliqué à devenir le meilleur dans sa profession.
Le plus remarquable, c'est sa fidélité en amitié : ses amis pourraient commettre les pires choses, il ne les renierait jamais ». Le destin de Tintin était bien inscrit dans les astres : il est donc appelé à vivre plusieurs fois 80 ans ! »