Chronique des infinis : Nom d’un cyclotron !
Chaque mois, Gwenhaël W. De Wasseige nous raconte à travers sa chronique des infinis les dernières actualités qui touchent l’univers et le domaine de l’infiniment petit.

"Cyclotron !" Insulte mémorable du capitaine Haddock ?!
Pas seulement ! Le cyclotron est en fait un accélérateur de particules inventé à l’université de Berkeley aux États-Unis en 1930.
Un cyclotron accélère des particules chargées, telles que des protons ou des électrons par exemple. Comment ? En les faisant circuler dans une cavité traversée perpendiculairement par un champ magnétique constant. Les particules suivent une trajectoire circulaire et sont accélérées à chaque tour par un champ électrique variable, faisant augmenter le rayon de leur trajectoire jusqu'au point de sortie du cyclotron. Il est capable de produire des faisceaux de particules avec une énergie allant jusqu'à quelques dizaines de MeV.
Accélérateur de particules, ça vous fait penser au CERN ? Bien vu ! Le CERN abrite effectivement un des plus grands accélérateurs de particules au monde, le LHC ou Large Hadron Collider en anglais. Son fonctionnement diffère de celui d'un cyclotron puisque dans son cas les particules sont maintenues sur une trajectoire circulaire de rayon constant par la variation du champ magnétique. Résultat: grâce à sa circonférence de 27 km et ses aimants supraconducteurs, le LHC accélère des protons jusqu'à des énergies de près de 7 TeV, soit 1 000 000 de fois plus énergétique que dans un cyclotron !
Vous me direz que discuter d’une invention de 1930, ce n’est pas vraiment de l’actualité… par contre ce qui l’est, c’est de vous dire qu’une des versions modernes de cette formidable machine installée à Louvain-la-Neuve vient d’être reconnue site historique par la Société européenne de Physique
Le cyclotron de l’UCLouvain, déjà symbolique puisque c’est là que le Roi Baudouin posa la première pierre de l’université il y a 50 ans cette année, se voit donc rentrer un peu plus dans la légende. Le cyclotron est à présent inscrit sur la même liste que deux autres sites belges d’exception :
- l'Hôtel Métropole à Bruxelles qui a accueilli le tout premier conseil Solvay en 1911 où l’on discuta de la théorie du rayonnement et des quanta (vous savez, avec Marie Curie, Albert Einstein, Max Planck, Paul Langevin, Hendrick Lorentz,...);
- le Heilige Heestcollege à Leuven qui a vu Georges Lemaître, prêtre catholique, mathématicien et astronome, développer ce qu’on appelle communément la théorie du Big Bang.
Le cyclotron peut être fier, sans avoir à en rougir, de figurer aux côtés de ces lieux prestigieux. Il est récompensé pour avoir été le lieu d’une expérience visionnaire mêlant physique nucléaire et astrophysique dans les années 1990.
Les chercheurs de l’UCLouvain, de l’ULB et de la KULeuven sont en effet parvenus à produire une réaction se déroulant au cœur des étoiles. Ils ont pu produire un faisceau d'azote instable, autrement dit radioactif. Une fois ce faisceau produit, ils l'ont fait entrer en collision avec de l'hydrogène pour produire un flash de lumière et de l'oxygène. Il a d’ailleurs été confirmé en 2020 par le détecteur à neutrinos Borexino en Italie, que cette même réaction se déroulait aussi au cœur de notre soleil. Mais ça, c’est une autre histoire...
Site historique = musée ? Bien au contraire
Le cyclotron du Centre des Ressources du Cyclotron garde son statut de plateforme technologique de pointe. Il est aujourd'hui utilisé notamment pour des projets de l’agence spatiale européenne et du CERN. Ses productions sont également utilisées dans le domaine biomédical et des biotechnologies. Et il ne compte pas s'arrêter en si bon chemin puisqu'il vise à garder cette renommée internationale en développant de nouveaux outils pour le spatial et la radiobiologie.
Merci au prof. Giacomo Bruno pour sa relecture éclairée.
À propos de l’auteur :
Gwenhaël W. De Wasseige est professeure à l’UCLouvain en physique des astroparticules. Membre des collaborations IceCube et KM3NeT, elle mène la chasse aux neutrinos à la fois au Pôle Sud et en mer Méditerranée. Chaque mois, Gwenhaël nous racontera à travers sa chronique des infinis les dernières actualités qui touchent l’univers et le domaine de l’infiniment petit.
