Nouvelle maquette de l'Aurore exposée au Musée Hergé
Le Musée Hergé est fier d'annoncer l'installation d'une nouvelle maquette de l'Aurore, le fameux bateau apparaissant dans L'Étoile mystérieuse.

Cette remarquable création a été réalisée par Michel Samirant (19/08/1941 - 10/02/2022), un ingénieur chimiste, docteur en physique et chercheur au CNRS, maître de recherches à l'Institut franco-allemand de Saint-Louis. Passionné de maquettes, Michel Samirant a minutieusement construit l'Aurore pièce par pièce en se basant sur le livre L'Aurore, frégate légère de 22 Canons et les plans de Gérard Piouffre.
La maquette a été généreusement offerte par la Famille Samirant en 2022, et elle constitue un ajout précieux à la collection du Musée Hergé. Les visiteurs auront désormais l'opportunité de découvrir de près les détails minutieux de ce navire emblématique de l'univers de Tintin.
À propos de l'Aurore...

Sources d’inspiration
En choisissant dans L’Étoile mystérieuse de décrire une expédition européenne vers l’Arctique, Hergé s’inspire d’une figure scientifique, explorateur très présent dans les médias francophones de la période. Le public a été marqué par le naufrage, le 16 septembre 1936, du navire Pourquoi-Pas ? du commandant Jean-Baptiste Charcot, au large d’Alftanes en Islande.
L’écho en a été à ce point considérable que le défunt aura l’honneur de funérailles nationales, un mois plus tard, avec une cérémonie à Notre-Dame de Paris. La presse ne manquera pas de mentionner le témoignage de l’unique survivant Eugène Gonidec, maître timonier du navire, dont certains extraits du rapport donnent à imaginer les conditions de naufrage.
Le Pourquoi pas ? servira dès lors de modèle pour le Peary, navire concurrent de l’Aurore.
Rassemblant une documentation sur les bateaux de plus en plus minutieuse et précise, il est certain qu’Hergé a disposé de photos pour détailler l’Aurore, même, si d’après le témoignage qu’il a livré en 1971 à Numa Sadoul, il aurait préféré se servir d’une maquette pour que son bateau « puisse tenir la mer ».
On a mené l’enquête
À ce jour, un certain mystère entoure encore les sources documentaires d’Hergé mais une enquête approfondie de Philippe Goddin, hergéologue, nous a aidés à lever le voile.
Hergé a pris pour modèle de l’Aurore le navire de recherches RRS (Royal Research Ship) William Scoresby, du nom du scientifique britannique William Scoresby junior, envoyé à six reprises dans l’Antarctique entre 1926 et 1938.
Les diverses photos de ce navire que Philippe Goddin a pu réunir et confronter aux dessins d’Hergé ont été prises par le biologiste et photographe amateur George Rainer, qui naviguait à bord du RRS Discovery II. Lors des missions conjointes, les deux navires polaires évoluaient en effet de concert, ce qui a permis au photographe de cadrer le RRS William Scoresby en entier. Ces photographies d’époque n’ont cependant été léguées qu’en 1984 au Museum Victoria de Melbourne, en Australie, par la veuve du biologiste. Apparues après la mort d’Hergé, il n’est donc pas certain que ce soient celles sur lesquelles il aurait pu se baser.
Un fervent tintinophile finlandais, Severi Nygärd, découvrit par hasard quelques photos de ce navire dans le numéro du Crapouillot de novembre 1931. Toutefois, le bateau n’est pas montré dans son entièreté. Celles-là n’ont donc pas suffi à Hergé pour dessiner les quelques 175 cases où le navire apparaît en tout ou partie.
Du Lockheed Vega à l’Arado
Dès sa deuxième expédition dans l’Antarctique, en 1927-1930, le RRS William Scoresby avait embarqué un petit avion, destiné à lui permettre de mieux remplir ses missions d’observation. Il s’agissait d’un Lockheed Vega offert par le magnat américain de la presse Randolph Hearst, qui finançait les recherches. Logé sur le pont arrière, l’appareil était descendu sur la banquise au moyen d’un mât grue, et c’est de là qu’il décollait de
manière conventionnelle. On jugea plus pratique, par la suite, de l’équiper de flotteurs, afin de lui permettre de décoller à partir des eaux libres et d’y revenir.
Au début des années quarante des revues comme Le Patriote Illustré avaient révélé à Hergé des systèmes plus fiables, associant un navire et un hydravion.
En 1941, Hergé a préféré prendre pour modèle l’hydravion allemand Arado, plus récent et plus performant, pour équiper l’Aurore.

Le « nid-de-pie » de Philippulus
Le « nid-de-pie » où se réfugie le prophète Philippulus pour menacer de faire sauter l’Aurore, peu avant son départ pour sa chasse à l’aérolithe, est un poste d’observation en forme de barrique fixé au grand mât, appellé « nid-de-corbeau» sur les navires polaires.
Quand Tintin grimpe dans les enfléchures pour déloger le « prophète » fou, sa progression s’inspire de photographies d’archives d’un guetteur en équilibre dans les cordages et d’un authentique « nid de pie ».
Détail amusant : le « nid-de-pie » avait été inventé en 1807 par William Scoresby senior (1760-1829), redoutable chasseur de baleines et père de l’explorateur polaire William Scoresby junior.
William Scoresby senior avait atteint en 1806 la latitude 81°30’ Nord, qui allait rester pendant plus de vingt ans la plus haute latitude jamais atteinte dans l’hémisphère Nord. C’est aussi lui qui établit en 1822 le relevé de la côte orientale du Groenland entre les latitudes 69°30’ et 72°30’. On lui doit également la mise au point du compas magnétique. Voilà autant d’éléments qui expliquent qu’un siècle plus tard un navire anglais ait été baptisé « William Scoresby ».

Auteur : P.Goddin