La case qui parle : Hergé en immersion

Quelque chose a changé. Est-ce que vous le voyez ?
Attendez… regardez de plus près.
Hergé n’est plus seulement à sa table de dessin. Grâce aux Studios Hergé et à ses collaborateurs, il peut désormais sortir du cadre et arpenter les lieux de l’action.
Pour L’Affaire Tournesol, il adopte une nouvelle méthode, fruit d’une longue évolution. À Genève, Hergé se rend sur place, marche dans les pas d’un vrai reporter, note les angles et les arrondis, et prend le temps de bien s’immerger. Pour un auteur qu’on disait réfractaire au voyage, il s’est finalement pris au jeu.
Car ce qui était difficilement faisable dans le pays fictif de Syldavie devient soudain possible en terre helvète. Et ça tombe bien, puisque Tournesol s’y trouve. Hergé amorce alors un véritable tournant dans sa manière en concevant un album plus immersive, plus physique, presque journalistique.
À Nyon, dans le canton de Vaud, le réalisme s’installe avec évidence, à l’image de la statue de Maître Jacques rue de Rive, discret clin d’œil à cette nouvelle exigence documentaire. Des passants et des trottoirs au détour d’une perspective calme, équilibrée et documentée. Bref, une scène en apparence anodine. Et pourtant, tout y est. On sent l'air, la lumière, le poids de l’instant.

Autour de lui, les Studios Hergé fonctionnent avec méthode. La gare de Cornavin, présente dans l’album, est rendue avec une fidélité frappante. Hergé lui-même photographie les lieux, observe les volumes, affine les angles. Les bâtiments sont reconstruits dans le moindre détail. Tout repose sur une nouvelle dynamique : Hergé n’est plus seul à la table, il est sur le terrain, et ses collaborateurs assurent la continuité graphique au studio.
Dans cet album, le fil du récit est inspiré d’un fait divers réel, aperçu dans un hebdomadaire belge Le Face à main par Hergé. Et puis, il y a cette scène. Une voiture déboule, leur coupe la route. Le taxi qui transporte Tintin et Haddock dérape, bascule dans le lac Léman. À partir de là, tout s’agence : le lac, le quai, la berline, les remous. Le trait devient témoin. Hergé voulait trouver l’endroit exact où une voiture pouvait quitter la route et sombrer dans le lac.

En bon chef d’orchestre, Hergé est aussi le seul qui s’occupe des personnages, en cherchant le plus de vie et un éventail de mouvement assez larges. Un changement se fait dûment sentir : c’est désormais Hergé qui prend la pose, un ses collaborateurs s’occupe du croquis préparatoire. Encore une nouveauté des Studios Hergé.
Dans cette nouvelle façon de créer, Hergé n’est plus seul. Autour de lui, les Studios Hergé forment une mécanique bien huilée. Bob De Moor, Roger Leloup, Jacques Martin ou encore Josette Baujot, chacun apporte sa touche, son œil, son savoir-faire. Ensemble, ils font entrer Tintin dans un monde plus vrai que jamais.
Textes et images © Hergé / Tintinimaginatio - 2025