Déguisements et subterfuges

La saison du carnaval est lancée dans toute l’Europe, et les rues se remplissent de masques et de costumes. L’occasion parfaite pour se pencher sur un adepte inattendu en la matière : Tintin. À travers ses rares mais ingénieux déguisements, le célèbre reporter manie le subterfuge masqué comme un véritable art de l’aventure.
Au fil de ses récits, Tintin va devoir s’improviser maître du déguisement pour se sortir de situations délicates. Face aux inimitiés de passage, ces subterfuges, parfois surprenants ou cocasses, témoignent de son ingéniosité et de son sens de l’adaptation. Tel un caméléon, quels rôles a-t-il endossés au fil des albums ? Et que révèlent ces transformations sur les cultures qu’il traverse ? Plongeons dans cette facette astucieuse et particulière de l’œuvre de Hergé.
Tintin au pays des Soviets, version colorisée (planche 108, case C1)
Embarqué aux quatre coins du monde, en aventurier ou en enquêteur, les transformations vestimentaires de Tintin ne sont jamais anodines : elles participent à la narration, enrichissent le suspense et offrent parfois une touche d’humour pinçant à la clé.
« Oui, un tout jeune homme… Il m’a demandé de le cacher, mais j’ai tiré la sonnette d’alarme. Seulement, il a profité de l’arrêt pour filer. Il est parti dans cette direction. ». Débonnairement, Dupont et Dupond se laissent berner, une fois de plus, oserait-on dire. Tintin, sous des habits de femme, use d’une ruse habile pour se débarrasser d’importuns dans les intrigues autour du Maharadja et de son fils. Mais qu’importe les périls, Tintin sait toujours retomber sur ses pieds… même en jupons ! Après tout, un bon reporter doit savoir se fondre dans le décor, quitte à troquer son célèbre pantalon de golf contre une tenue plus inattendue.
Les Cigares du Pharaon (planche 48, case A2)
Devant la forteresse des bandits, sur la route de Silvermount en Amérique, Tintin tâtonne un instant, entre dans le repaire et adopte finalement une stratégie pour le moins étonnante en enfilant une armure médiévale. L’imposante panoplie ressemble, à gros traits, à une pièce de confection d’armure de plates de la fin du Moyen Âge. Les gestes burlesques d’un Tintin de pied en cap qui assomme ses adversaires ont marqué toute une génération. Disséminées dans nombre de musées et, parfois, dans des châteaux redécorés, ces encombrantes armures ont toujours été un attribut de l’imaginaire médiéval européen (cf. médiévalisme), et ce même si ces véritables œuvres d’art ont surtout prospéré au début de la Renaissance.
Tintin en Amérique (planche 50, case C3)
Pour se métamorphoser sur un terrain bien souvent méconnu, alliant rapidité et sens de l’observation, Tintin se pare régulièrement de vêtements empruntés ou récupérés, trompant par la même occasion ses ennemis décidément bien obstinés. Nous l’avons déjà entraperçu dans le dernier dossier « Nuits de Chine », notre reporteur adoptera une tunique traditionnelle chinoise qui, dans un extrait du journal de Shanghai, sera désignée pudiquement comme « vêtu à la chinoise ».
Le Lotus bleu (planche 20, case B2 et planche 60, case A1)
Dans le même album, Hergé prend un malin plaisir à tourner en dérision l’intransigeance des soldats et officiers japonais : en arborant un uniforme de général, Tintin cache Milou sous sa veste, accroché à ses bretelles, afin de simuler un embonpoint. Ainsi, sans parler un traître mot de japonais, il désigne de ses doigts le chiffre quatre. « Quatre jours d’arrêts ?!! » s’étonnent les officiers à son passage pour la moindre petite incartade. Une fois n’est pas coutume, l’habit fait bel et bien le moine.
Le Lotus bleu (planche 30, case C3)
Dans Les Cigares du Pharaon, afin d’espionner l’antre d’une organisation internationale de trafiquants de drogues, Tintin endosse l’inquiétant costume mauve avec l’emblème du signe royal de Kih-Oskh. Il parvient avec une sacrée dose de chance à mettre hors d’état de nuire les lugubres membres de l’organisation criminelle et secte pratiquant le trafic d'opium, hormis le fakir qui réussit à s’échapper in extrémis. Riche en situations ubuesques, il revêt également un uniforme militaire et est conduit, par inadvertance, dans un bureau de recrutement.
Les Cigares du Pharaon (planche 54, case B2)
Sous le sobriquet de « Beh-Behr », il en voit des vertes et des pas mûres, subissant l’entrainement des bleusailles avant de se faire prendre la main dans le sac. Que ce soit en haillons ou encore en tunique de bédouin dans l’album Au pays de l’or noir, la tenue de camouflage improvisée n’est pas toujours suffisante pour duper le monde, mais nous laisse néanmoins appréhender un certain goût pour l’orientalisme qui fait aussi partie de l’héritage de Tintin.
A droite, Les Cigares du Pharaon (planche 27, case A3) et à gauche, Au pays de l'or noir (planche 27, case B2)
En route pour Khemed, une pétromonarchie imaginaire que l’on situe aux abords de la mer Rouge, les embûches semées n’empêchent pas notre désormais duo iconique, Tintin et Haddock, de se déguiser en porteuses d'eau, un grand voile noir couvrant entièrement leurs corps. De l’eau sur la tête du capitaine ? Quelle idée !
Coke en stock (planche 25, case B4)
Autre pépite rocambolesque : coincé dans les affaires d’État de l’album L’Oreille cassée et miraculé après trois tentatives d’exécution, Tintin se retrouve enrôlé manu militari par le général Alcazar au grade de colonel. À défaut d’être caporal, c’est l’uniforme de colonel aide de camp qui lui est proposé. Elégant dans ce bel uniforme bleu ciel, l’aventure le rattrape au galop, alors qu’il échappe à ses poursuivants, son immaculé uniforme ressemblera désormais davantage à des guenilles.
L’Oreille cassée (planche 22, case D1 et planche 28, case A2)
Dans Le Crabe aux pinces d’or, Tintin se déguise en mendiant, demandant ainsi l’aumône au coin d’une ruelle. Ce déguisement est essentiel pour l’enquête qu’il mène contre un réseau de trafic, afin de percer le mystère des boites du crabe du Karaboudjan... Ce subterfuge débouche sur la désopilante scène de la cave où le capitaine se met à chanter et à battre énergiquement ses kidnappeurs dans un brouhaha chaotique. Ce choix de costume est particulièrement intéressant car il reflète la façon dont Tintin utilise des rôles ordinaires pour se fondre dans l’environnement tout en étant un acteur clé de l’action, bien que son apparence semble loin de la combativité habituelle du reporter.
Le Crabe aux pinces d’or (planche 50, case B2)
Enfin, Hergé cabotine dans Tintin et les Picaros, en imaginant Tintin et Haddock en costumes de carnaval tout droit sorti de son imagination. Sous les traits d’un groupe folklorique dénommé les « Joyeux Turlurons », il n’y a qu’un pas pour y reconnaître en pêle-mêle des références hétéroclites à la Belgique avec, par exemples, les Blancs Moussis de Stavelot, les Chinels de Fosses-la-Ville et très probablement les Gilles de Binche.
Tintin et les Picaros (planche 55, case B3)
Les déguisements de Tintin révèlent beaucoup sur l’évolution de son personnage et son rapport aux cultures qu’il traverse. D’abord, ces transformations montrent un Tintin qui, loin d’être simplement un aventurier du dimanche, fait preuve d’une grande adaptabilité. Bien qu’il n’ait parcouru que peu de kilomètres carrés par rapport à son héros, Hergé conçoit des aventures trépidantes et amusantes en faisant voyager ses lecteurs.
Dans ce cadre, Tintin incarne dans un milieu culturel dense, une fenêtre pour découvrir un monde différent du leur. En créant des costumes imaginaires, il s’empare de thèmes historiques récurrents (guerre de l’opium, malédiction de Toutânkhamon, carnavals d’Europe occidentale et d’Amérique centrale, etc.) et de fortes références visuelles à l’instar du signe de Kih-Oskh qui revêt à la fois le Yin et le Yang, dit taijitu, et diverses autres influences.
Dans tous les exemples cités, Tintin cherche à s’intégrer dans un milieu qu’il ne maîtrise pas entièrement, découvrant les cultures locales, créant des gags et des incompréhensions à la clé. Mais derrière le masque, c’est toujours le même reporter intrépide, fidèle à lui-même, qui enquête, découvre et démêle les mystères d’un univers fascinant qui ne cesse de nous faire rêver.
Textes et images © Hergé / Tintinimaginatio - 2025
3 commentaires
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greenbeam
09/03/2025 à 08:53
Délicieux article et très intéressant sur les déguisements de notre reporter préféré.
tom2005
01/03/2025 à 18:11
De multiples déguisements pour cet incroyable reporter qu'est Tintin
jackymur25
28/02/2025 à 09:52
L'humour d'Hergé se marie à la perfection des dessins
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