Le Lotus Bleu
Dans Le Lotus Bleu (1936) Tintin s'engage à démanteler le trafic d'opium international qui sévit dans un pays mythique certes, mais dont il ignore tout, la Chine. À l'aube de ce récit, la généreuse ambition de Tintin semble démesurée. Aidé par la seule société secrète, Les Fils du Dragon, et par son ami Tchang, rencontré tardivement, il parvient à surmonter tous les obstacles et ruiner les perfides machinations de ses nombreux ennemis.

Le Lotus Bleu (1936)
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Pour de nombreux lecteurs, Le Lotus Bleu représente la plus anxiogène des aventures de Tintin. Car dans l'immensité chinoise, le pays le plus peuplé du monde, Tintin se retrouve totalement esseulé. Mais sa solitude n'est pas le moindre des maux. Attentats, trahison, délation, conspiration, folie et catastrophes naturelles se liguent pour l'empêcher de mener à bien sa noble mission. La grandeur ne pouvant s'affirmer qu'au terme de décadences surmontées.

Les différentes versions de la couverture du Lotus Bleu
Le dragon
Le dragon doté de pouvoirs redoutables figure sur la couverture de l'album et, à l'instar des gargouilles gothiques, écarte les mauvais esprits tout en protégeant Tintin.

Illustration de couverture de l'album Le Lotus Bleu, 1936, gouache sur papier à dessin. © Hergé - Moulinsart 2021
La couverture
Le magazine A-Z présente la comédienne Anna May Wong qui participe au film Shanghai Express sous le nom de Hue Fey. La jeune femme pose devant un dragon rouge qui se détache sur un fond noir. Cette photo inspirera sans nul doute la couverture de l'album depuis l'original de 1936 jusqu'aux réimpressions actuelles.

Couverture du magazine A-Z avec Anna May Wong - actrice du film Shanghai Express
Pour les albums mis en couleurs, à partir de décembre 1946, la couverture sera modifiée et montrera, désormais, un dragon noir sur un fond rouge, couleur apparentée au mystère.
Le titre
Dans le film Shanghai Express produit par Von Sternberg, et qui mettait en scène Marlene Dietrich dans le rôle de Shanghai Lily, un mystérieux télégramme fait référence à un Lotus bleu.

Image de Shanghai Express où l'on évoque l'existence d'un lotus bleu
Considérée comme la plus immatérielle des couleurs, le bleu symbolise le chemin de l'infini. En 1933, cette réalisation cinématographique sort sur les écrans européens.
Dans un cinéma de Shanghai
Dans l'album précédent, Les Cigares du Pharaon, Tintin avait malencontreusement perturbé le tournage d'une scène cruciale d'une superproduction intitulée Haine d'Arabe.

Cases extraites de la planche 16 des Cigares du Pharaon © Hergé - Moulinsart 2021
Ce titre éveille l'esprit de vengeance, thème récurrent des films comme Le cheik en 1922 et Le fils du cheik en 1926 qui consacre au panthéon hollywoodien l'acteur Rudolf Valentino (1895-1926). Tintin, réfugié dans un cinéma, assiste à la projection du film The Sheik Hate, produit par la Cosmos Pictures dirigée par Rastapopoulos.
Tchang, une rencontre décisive
Soucieux d'apporter dans ses récits un réalisme jusque là inédit, Hergé accepte, sur les conseils de l'abbé Gosset, de rencontrer un jeune Chinois de 27 ans provisoirement installé en Belgique pour étudier les beaux-arts à Bruxelles. Il s'agit du jeune sculpteur Tchang Tchong-Jen. Celui-ci va développer de son pays un panorama culturel, artistique et politique jusque là insoupçonné par le dessinateur. Cette révélation va dessiller les yeux d'Hergé. Aussitôt, il va restituer avec un soin minutieux, tant sur le plan graphique que narratif, toutes les informations que son mentor asiatique lui a prodiguées.

Hergé, son épouse Germaine et Tchang à Bruxelles en 1934. Collection Studios Hergé
Hergé ne le démentira pas. Au contraire il dira : "C'est au moment du Lotus Bleu que j'ai découvert un monde nouveau". (Numa SADOUL, Entretiens avec Hergé, Tournai, Casterman, 1989).
Ainsi naîtra un chef d'oeuvre, Le Lotus bleu, un des meilleurs albums paré de la plus belle couverture. Cette étape dans la vie d'Hergé va lui faire prendre conscience de l'importance de se documenter et de ne pas se fier à des clichés. A juste titre, il y aura un avant et un après Lotus Bleu.
Une fresque historique
En 1937, le Japon occupe la Chine du Nord-Est. Les grandes puissances occidentales se partagent le pays en zones d'influences appelées concessions internationales.

Case extraite de la planche 16 du Lotus bleu, 1935. Encre de Chine, aquarelle et gouache sur papier à dessin. © Hergé - Moulinsart 2021
Au cours de ses périgrinations, Tintin sera ballotté du secteur britannique où le cynique Dawson dirige la police à la zone d'occupation militaire japonaise en transitant par le territoire chinois.
L'engagement
Malgré une culture qui n'est pas la sienne, Le Lotus Bleu verra Tintin s'insurger contre l'injustice et l'intolérance dont se rendent coupables ses congénères envers les autochtones dont il prend résolumment le parti. Il adopte la même courageuse fermeté à l'encontre des japonais qui asservissent les populations chinoises occupées. Plus que par discrétion mais par souci d'acculturation, Tintin conserve un costume chinois depuis la page 19 jusqu'au terme de l'album.
Une rencontre historique
Tintin sauve d'une noyade fatale un jeune garçon dont la famille fut massacrée lors de la répression internationale en représailles de l'émeute qui menaça les légations européennes lors de la guerre des Boxers en 1900. Tintin fait donc la connaissance du jeune Tchang Tchong-Yen. Il ne l'oubliera jamais.

Cases extraites de la planche 85 du Lotus bleu, 1935. Encre de Chine, aquarelle et gouache sur papier à dessin. © Hergé - Moulinsart 2021
La culture chinoise démystifiée
Lorsque Tintin apprend à son nouvel ami Tchang comment les Européens imaginent les mœurs chinoises à travers des clichés caricaturaux, Le jeune rescapé, malgré la sagesse séculaire dont il est empreint, ne peut réprimer un fou rire.

© Hergé - Moulinsart 2021
L'âme poétique chinoise
Les propos, nimbés de larmes, du jeune Tchang expriment toute la poésie millénaire de ce pays qui fut L'Empire Céleste. Ceux de Tintin, qui n'est pas coutumier du fait, offrent un large écho à l'effusion de son ami. Monsieur Wang Jen-Ghié apporte à ces adieux, avec ses mots ciselés d'extrème-orientalisme, la conclusion élégiaque que tous attendent.

© Hergé - Moulinsart 2021
Petit florilège de chinois dans le texte...
Extrait du dessin animé
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