El cangrejo de las pinzas de oro

Pour adapter les albums au nouveau format de 62 pages, Hergé remonte en général deux pages de six cases sur une page de douze cases. Pour certains titres, la conversion est simple : 124 pages noir et blanc deviennent 62 pages couleur. Pour d'autres il faut supprimer certains passages pour faire entrer l'histoire dans ce nouveau moule. Le Crabe aux pinces d'or est le récit le plus court avec seulement 100 pages. Il va falloir ruser. Avant tout, Hergé conserve les 4 planches hors-texte (pages 21, 29, 40 et 49). Ensuite il réalise de nombreux dessins de liaison qu'il insère entre deux cases puis élargit certaines images jusqu'à les déployer sur une demi-page (pages 22 et 35).

À la poursuite de mystérieuses boîtes de crabe, Tintin va faire la connaissance de celui qui deviendra son inséparable ami : le capitaine Haddock. Celui-ci est au plus mal : prisonnier d'Allan, son second, et surtout totalement alcoolique.

Avant de guérir, il aura le temps de nous offrir ses plus belles séries de jurons : moules à gaufres, ectoplasmes, marins d'eau douce et beaucoup d'autres, mille sabords !

L'aventure s'ouvre sur une scène quasiment muette à l'issue de laquelle Milou se fait réprimander par son maître pour avoir, selon son habitude, exploré les poubelles. Or, quelques instants plus tard, Tintin ne se prive pas d'en faire autant. Évidemment, Milou ne manque pas de lui rendre la monnaie de sa pièce. Sacré Milou !

La similitude entre les deux cargos est frappante. Le réalisme des décors chez Hergé est relativement poussé tout en étant dans le « style Tintin » : « il faut que chacun de ces éléments ne soit ni trop simplifié, ni trop détaillé, que chacun d’eux reste à sa place et se fonde dans l'ensemble. » (Hergé, in Numa Sadoul, Tintin et Moi, Ed. Casterman, p.64).

Pour en savoir plus, consultez le dossier "Ports et docks".

Le capitaine qui fait son apparition dans Le Crabe aux pinces d'or est à l'état de loque. Un ivrogne ! « un esclave de son vice » (Numa Sadoul, Tintin et Moi, Ed. Casterman, p.156). Le voilà qui craque et s'effondre en larmes tout en invoquant sa « M'man-an » ! Ceci dit, comme on ignore tout de Madame Haddock, on ne peut faire que des suppositions à son sujet : par exemple, qu'avec un fils pareil, elle a dû connaître des jours difficiles.

Suite à l'écrasement de l'hydravion dont ils s'étaient rendus maîtres, Tintin et son nouveau compagnon, le Capitaine Haddock, entament une traversée du désert en quête d'un puits.

La fatigue et le délire alcoolique provoquent chez le capitaine des hallucinations qui, sans l'aide de Milou, pourraient bien être fatales à Tintin.

Vaincus par la soif, la chaleur et la fatigue, Tintin et le capitaine Haddock s'effondrent en plein désert.

Tintin fait alors un affreux cauchemar, celui de craindre de voir son compagnon d'infortune le prendre à nouveau pour une bouteille de champagne. Le tout est raconté par Hergé en trois images dont la subtile gradation dans la frayeur est remarquable.

Terrorisés par la bordée d'injures que leur lance le capitaine Haddock, les berabers cessent de tirer, se lèvent et s'enfuient. Tout cela se passe simultanément dans une seule et même case dont chaque plan est une succession de mouvements décomposés qu'effectuent les personnages. Dans toute son œuvre, Hergé aime deux dessins. Ce dessin des berabers sous le feu des insultes du capitaine est l'un des deux.

« Cela pourrait être le même bonhomme, à des moments successifs, qui est couché, qui se relève doucement, qui hésite et qui s'enfuit. C'est en somme, si vous voulez, un raccourci d'espace et de temps » (Hergé, in Numa Sadoul, Tintin et Moi, Ed. Casterman, p.156).